mercredi 19 février 2014

Mocaccino

Nos grands-pères, avec des "si", ont mis Paris en bouteille. Il est triste que le vin des rêves d'autrefois ait depuis si longtemps tourné au vinaigre.

Il y a quelques jours à peine, je terminai une pièce dont la rédaction a occupé trois ans de ma vie. La différence notable avec la plupart des mes autres travaux achevés, c'est que pour celui ci, je n'ai rien ressenti lorsque j'en ai couché le point final. Pas même une vague sensation de victoire. Nada. Je n'avais plus envie de vanter ma dernière abomination sur les réseaux sociaux; ou parmi ma maigre communauté de camarades-lecteurs-créateurs. C'est comme si j'avais mûri et pourri en même temps. En l'espace de quelques secondes.

La route est bien plus enrichissante que la destination.C'est peut-être la chose la plus importante à savoir, lorsque l'on écrit, lorsque l'on a décidé d'écrire.
Je suis intimement convaincu qu’aucune histoire ne devrait s'achever explicitement. Mis à part Twilight et Eragon, qui n'auraient jamais dû commencer.

Et en y réfléchissant bien, je préfère mille fois galérer, aligner les échecs et les refus durant toute mon existence plutôt que de baser cette dernière sur un succès trop précoce.
C'est peut-être pour cela que je tiens tant à mon boulot sans avenir, qui ne m'apportera jamais ni crédit ni reconnaissance, mais dont j'apprécie sincèrement l'avantage de ne pas engraisser un patron. J'aime le fait d’œuvrer pour le bien de l'humanité à une échelle si microscopique que personne ne s'en rendra jamais compte. Ça a quelque chose de motivant, d'être un looser, de savoir que l'on ne peut que s'améliorer. Et puis d'en bas, on dispose du meilleur point de vue possible pour dépeindre ce qui tend à pousser les gens vers le haut.
Le sommet du podium demeure la position la plus effrayante qui soit, ne serait-ce parce qu'on a souvent tendance à en faire un échafaud.

Oui oui, je viens de rédiger un  véritable mini-pamphlet pour justifier mon indiscutable goût pour la procrastination. Quel gros dégueulasse je fais, quand même. Quel putain de mauvais exemple à suivre! 'Manquerait plus que je vous expose ma position vis-à-vis de l'herbe qui fait rire et des blagues sur les bébés morts, et là, on aurait vraiment touché le fond.
Et vous savez quoi? Je suis tellement odieux comme gars, que comme ça, sans aucun rapport, je vous lâche quelques photos de Poitiers, une ville que j'adore et qui a toujours su me fournir l'inspiration nécessaire; ainsi que l'extrait d'un monologue que l'on retrouvera peut-être dans l'un de mes écrits futurs. Rien à foutre; il y a déjà longtemps que ce blog n'a plus aucune cohérence.



"Extasie toi, petit papillon, de cette liberté fraîchement acquise. Toi qui n'as eu besoin pour t'envoler que de vivre sans encombre ton état de chenille. Butine à toutes les fleurs et savoure chacun de tes gracieux atterrissages, avant de déguster ce nectar que tu crois tellement mériter.
Je t'ai enfermé dans un bocal où je pensais te conserver jusqu'à la fin de nos jours. Mais toi, petit animal aussi têtu que friable, tu as frappé si fort contre la paroi que j'ai préféré te rendre à tes champs et à ton soleil. 
Et après tout, si je t'avais gardé captif, près de moi, tu aurai brisé le verre de ta cage aussi facilement que tu as brisé mon rêve de ne plus être seul. Tu te serais coupé contre quelque débris tranchant dans l'empressement de ton évasion. Personne ne souhaite voir un papillon crever. 
Prends ton essor et danse au rythme de ta jeunesse. Laisse toi attirer par chaque lueur, chaque flamme que tu attises. Suis les feux follets qui parsèment l'horizon aussi loin, aussi vite, aussi longtemps que tes ailes te le permettent. Ne t'offre aucun repos. Personne n'a jamais vu un papillon dormir.
Le bocal n'était-il dont pas à ton goût? J'en avais pourtant choisi un assez vaste pour tous tes amis et ta famille, si tel était ton désir. J'y plantais des arbres et de jeunes fougères. La nuit, nous aurions pût allumer tous les feux dont tu avais besoin.
Mais tu as préféré fuir ton enclos pour en pénétrer un autre, où les fleurs sont jaunes au lieu d'être violettes. La logique des êtres volants m'échappera donc toujours. Mais qui suis-je pour en juger? La seule chose dont je suis certain, c'est que personne ne voudrait voir un papillon pleurer.

Alors, j'ai ouvert la porte du grand vivarium de nos songes, où nous avions construit notre cabane. Les animaux fantastiques que nous avions élevés et les monuments absurdes couverts de lierre édifiés en notre nom ne surent te retenir. Et tu tourna même le dos aux cèdres centenaires sous l'ombre desquels tu cherchais autrefois à m'apprendre à voler.
Tu es parti sans un mot, petit papillon. Et je suis sûr que tout t'a semblé dans l'ordre des choses. Chaque chose à sa place, et la tienne n'existe pas.
Un bocal de la taille d'un monde était à toi. Tu as préféré un autre jardin où l'herbe t'as semblé plus verte. Si tu pouvais prononcer un mot à la juste mesure de ta pensée, m'affirmerais-tu encore que les plaines environnantes ont un parfum plus grisant que toutes les fleurs que je posais à tes pieds?

Prêche donc la bonne parole de la liberté, et vole, sans une seule interruption. Car après tout, ton espèce est éphémère. Si les papillons savent vraiment voler, pourquoi en reste-t-il si peu? Si tes ailes font de toi un être émancipé, pourquoi n'as-tu pas encore quitté cette planète?
Les chats et les crapauds vous attrapent et vous amputent de ces voiles colorées dont vous faites votre bannière, c'est dans l'ordre des choses. Ce n'est pas une question de jalousie. Simple justice élémentaire.

Profite donc tout ton saoul de cette courte escapade. Demain, tes ailes se faneront et il ne te restera rien pour séduire le vaste monde. Redevenu chenille, te diras-tu encore que quitter ton bocal en valait la peine, lorsque tout l'univers te rejettera pour ce que tu as égaré?
Personne ne remarque un papillon qui ne vole plus. 

Tu n'es pas libre parce que tu as le pouvoir de t'enfuir et de manquer aux autres, petit insecte lâche.
Les jolies couleurs que tu charries ne te rendent pas invincible ou irréprochable.
Tu n'es qu'un papillon de plus qui pense faire honneur à sa nature. Cela n'a rien d'un choix. C'est d'une obéissance docile envers les conventions dont tu as seulement fait preuve. 
Même les animaux volants suivent les sentiers battus, après tout.

Je ne me souviens pas de la forme ou de la teinte de tes ailes. Mais la caresse de tes antennes et la vibration tranquille lorsque tu planais derrière mon oreille me hanteront jusqu'à la fin des temps."

2 commentaires:

  1. Que voilà une prose qui m'a énormément plu !!

    Beaucoup de sentiments, pas mal de mélancolie mais... très reposant en ce qui me concerne.

    Je salue ta plume mon Cher M.

    Que fais tu comme job très exactement ? Merci pour les photos de Poitiers, ça m'a rappelé l'époque lointaine où j'y ai vécu... et rencontré celle qui allait être Ma Chère et Tendre Epouse ^^

    Serviteur,

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    1. Merci encore une fois pour ton mécénat et tes encouragements!
      Pour répondre à ta question, je suis agent d’accueil (mais ça tu l'avais sans doute compris) dans un centre de thérapies pour personnes atteintes de troubles autistiques. Je suppose que tu imagines sans mal le genre de rencontres que l'on doit faire dans ce milieu... Pas mal de choses glauques à voir, mais aussi énormément de belles personnes avec qui échanger des avis intéressants. Enfin bref, rien de très valorisant comme boulot, mais je reste fier de travailler dans l'humain. ^^'

      De rien pour les photos, je suis un grand fan de cette ville! Rien de mieux que cette ambiance médiévale et sereine pour vivre une chouette idylle, pas vrai? :)

      Bon courage et à bientôt!

      M.

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