mardi 14 janvier 2014

Splice, ou: De la vertu curative d'un bon essai d'anticipation pas totallement foiré

Nous ne sommes que lundi, et déjà, la semaine s'annonce foutrement à chier. Les harpies de ma boite viennent de me faire passer une réunion-supplice de deux heures. Mais il s'agit certainement pour moi de la dernière. J'ai décidé de trouver autre chose, un travail gratifiant, des collègues honnêtes et bienveillants avec de la reconnaissance à la clé. Oui, oui, je sais. Dans le secteur social, on peut toujours rêver! 
Alors, je ré-imprime des CV sans trop d'espoir quand même, avec l'amer sentiment de défaite qui vient me hurler à la gueule que c'est une sacrée régression trois ans en arrière. Un bon vieux retour à la case départ. C'est peut-être mieux ainsi. Ce doit être la juste contrepartie, un coup de pied dans les burnes, lorsque l'on vient d'esquiver la castration.
Dans la détresse, j'appelle K. 
K, c'est ma pote, ma soc', ma gueule, ma couillasse. Le genre de nana avec qui tu peux juste t'affaler sur un canapé, une bière à la main, et cracher gratuitement sur la société. Lorsque ça va mal, rien de mieux que de se retrouver avec elle et quelques autres potes pour refaire le monde autour d'un oinj' et d'une partie de Borderlands.
Une demie-heure plus tard, on se retrouve dans son appart' autour d'un grec-frites, à chialer sur nos sorts respectifs. Et en notre qualité d'archétypes de la génération sacrifiable, on décide de lancer un film, histoire de se changer les idées, d'oublier un peu que l'on appartient à un monde qui ne semble pas prêt d'avoir besoin de nous. 
K. farfouille dans son inquantifiable étalage de DVD's. A la manière d'une archéologue, elle creuse méticuleusement parmi ce monstrueux amas d'animes japonais, de blockbusters d'actions, et de thrillers plus ou moins bien ficelés oubliés par l'histoire et le grand public. Enfin, elle pousse un cri de victoire, et me brandit au visage ce qui semble être une pièce maîtresse de sa collection.



"Tu connais ce truc? me demande-t-elle. Franchement, je suis incapable de dire si tu vas aimer."

Patibulaire, je jette un œil à l'arrière de la boite. 
Guillermo Del Toro en Co-Prod?... C'est un argument. Ce type a l’œil pour les histoires affreuses mais pas forcément gorissimes qui viennent encore hanter votre inconscient des semaines après. 
On y parle de génétique, d'éthique et de mutation? Miam, ça s'annonce nanardesque, et pourtant pas totalement niais. Intriguant... Je me dis que ce film mérite une chance.
Je tends le DVD  à K., qui déjà était en quête d'une production un peu plus légère:
"-Balance-nous ça, on verra bien. J'espère que ça pisse le sang, j'ai envie de faire de beaux rêves cette nuit.
-Fuck yeah, approuve K., en appuyant sur Play." 


A la base, j'étais censé vous parler de bouquins et de mes différents projets de peinture, d'écriture... Oui mais voilà, entre temps, cet OVNI cinématographique est passé entre mes mains. Et après lecture de nombreuses critiques sur le net on ne peut plus contrastées, j'ai trouvé intéressant de vous scribouiller un petit quelque chose à propos de ce film dont la plupart d'entre vous n'ont certainement qu'entr'appercu la bande annonce; ou encore une affiche vaguement dissimulée dans un coin de votre cinéma local... Je ne pense pas briser un tabou absolu chez les amateurs de SF en avançant que l’échec de ce film est en grande partie du au fait que l'on a pas trop cherché à lui donner sa part de crédit, ou du moins une véritable chance de percer.


Splice nous a été pondu en 2009 par Vincenzo Natali, notamment connu du grand public pour Cube, et pour pas grand chose d'autre, ce qui se révèle regrettable.
On y retrouve avec joie ce cher Adrien Brody, dont la performance dans Le Village m'avait tout simplement bluffé.
Mais c'est assez d'étalage du cast' et de la réal', vous êtes suffisamment grands pour chercher une fiche technique tout seuls, passons au point fort et en même temps au talon d'Achille du film: l'histoire.
La thématique, on la connait, on hurle au déjà vu dès les dix premières minutes. Un couple de généticiens complètement cheatés parvient, Dieu sait comment, à synthétiser les ADN d'animaux différents pour créer des espèces inédites. Les époux se préparent alors à relever l'un des plus ambitieux défi qu'offre la science: la création d'un hybride en partie humain, dont la naissance pourrait marquer la fin de nombre de maladies génétiques telles que le cancer, Parkinson.... Bon, jusque là, rien de très nouveau. C'est un enjeux bien tranché et générique que l'on a exploité des milliers de fois au cinéma.

Dren, interprétée par Delphine Chanéac, une 
actrice de notre hexagone.
Le fait est que la créature, baptisée Dren, s'avère dotée d'un vieillissement accéléré et d'une intelligence beaucoup plus développée que ce qui était prévu... C'est là que tout bascule, et que l'on peut réellement apprécier la dimension glauque du débat proposé. Au fur et à mesure que l'intrigue avance et que Dren grandit, la frontière entre l'humain et l'animal s’amenuise et pourtant reste entière... Est-elle guidée par l'instinct, par les sentiments? Un peu des deux, peut-être? La conscience, dans tout ça? Et notre joyeux couple de scientifique a-t-il eu raison de donner vie à un tel casse-tête biologico-déontologique?
Pour citer le film, "On ne parvient plus à différencier ce qui est bien de ce qui est mal".
Je vous laisse apprécier (tout relativement, on ne peut pas parler d'un happy end) les trente dernières minutes, qui finiront de vous détruire psychologiquement, si une émission de télé-réalité ne s'en est pas chargée avant.

Pour conclure, Splice me parait être une oeuvre rangée bien trop vite au rang de série Z. Malgré une introduction pré-mâchée, le film offre matière à une véritable piste de réflexion, que vous soyez branché débat "place de l'éthique dans le monde de la science", ou que vous préfériez simplement vous adonner à une sympathique séance de philosophie de comptoir entre potes. A ne pas voir seul, en tout cas, pour éviter de se foutre en l'air à coup de Xanax pour les deux semaines qui suivent.
Pour ma part, j'ai pas l'impression d'avoir perdu ma soirée, et j'ai jugé que ce drôle de machin boiteux, touchant et répugnant à la fois avait tout à fait sa place dans ma caverne.









2 commentaires:

  1. Hé bien !!

    La semaine commence fort à ce que je vois ^^'. Bah c'est peut être un juste un mauvais moment à passer et ça ira mieux après.

    Pour Splice, je suis tombé dessus par hasard au détour d'un surf sur le net il y a quelques années et je dois dire que j'ai franchement bien aimé !!

    En général je suis très bon public et il faut en faire des caisses pour pouvoir me dégoûter (style Percy Jackson et la vision too much holywoodienne de la mythologie gréco-romaine -.-').

    J'ai bien aimé Splice donc car un minimum de soin a été apporté à l'histoire, au jeu d'acteurs (A. Brody est quand même plus crédible ici que dans Pradator 3 ^^), avec pas mal de figurants ou de gens pas trop connus puisque le plus important reste cette "créature".

    Cette absence d'accentuation sur une méga-star fait que le film, AMHA, n'a pas été construit uniquement autour d'une célébrité. Le spectateur peut donc pleinement s'immerger sans se dire ("ah mais machin il avait fait ça dans son autre film, et truc c'est pas lui qui a tué chose dans ce film ?"). A. Brody ne se la joue pas Chuck Norris "la caméra sur moi c'est moi la star", il n'y a pas de scènes d'action grandiloquentes avec des scènes de nibards "prsque à l'air mais pas trop parce que sinon c'est la censure" et c'est parfait.

    Je trouve que ça a été une belle histoire, l'évolution tant physique que psychologique de la créature couplée à celle des humains a été très joliment présentée et il est effectivement dommage que son aura médiatique n'ait duré que le temps de sa projection en salles alors que d'autres trucs, malheureusement encore dans les mémoires, auraient mieux fait de sombrer dans les limbes de l'oubli pour toujours.

    (Petite précision : j'ai regardé ce film seul, un soir tranquille et je n'en susi pas mort XD)

    En espérant que le week end sera meilleur que la semaine, bon courage mon Cher M. ^^

    Serviteur,

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  2. Aha, pour ce qui est de Percy Jackson, tu tapes quand même dans un extrême assez prononcé. ><
    J'ajouterai que ce qui est génial avec les personnages (outre la distribution), c'est que personne n'est innocent, et que le travail de "conscience", de "responsabilité" s'exprime différemment chez chacun d'entre eux. Ce cher Vincenzo a d'ailleurs beaucoup insisté sur cette dimension de "monstre en chacun de nous".
    Je n'ose m'épancher plus, de peur d'en dire trop.
    Merci néanmoins pour ton intervention, Morikun. ^^

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